couv_petit_renard.jpg Edward van de Vandel, Marije Tolman, Petit Renard, Albin Michel Jeunesse, Septembre 2019, 15,90 €

Qu’on l’ait découvert par la singularité de l’album Le Chien que Nino n’avait pas (Didier Jeunesse 2014), par la délicate subtilité de son roman Sam (Neuf 2016), ou encore par l’audace de Rouge, rouge (Rouergue 2003) et Anna Maria Sofia et Petit Max (Être 2005), on attend forcément beaucoup d’un texte d’Edward de Van de Vendel, écrivain majeur et pourtant trop discret de la littérature pour la jeunesse. On risque malgré tout d’être surpris par la force et l’intensité de ce vibrant éloge de la vie, porté par la figure d’un petit renard imprudent, qui, à la faveur d’une chute pouvant bien lui être fatale, se remémore sa courte existence.

Capture_d_e_cran_2019-09-14_a__19.26.03.jpg © Albin Michel Jeunesse

Cet éloge évite soigneusement la facilité d’une allégorie elliptique et s’emploie à décrire toutes les facettes des plaisirs simples et profonds de cette courte vie animale, n’omettant pas – ne dissimulant pas – la part de la sensualité, comme dans cette sidérante scène des gouttelettes d’eau léchées à même le museau du faon ou cette audacieuse mention des petites proies qui craquent délicieusement sous les crocs. De sa plume fluide et virtuose (magnifiquement traduite par Emmanuelle Sandron), Edward van de Vendel joue de tous les ressorts de la langue, de sa musicalité, de ses effets de rythme ou de rupture et de la construction complexe du récit et de ses emboîtements, tout en favorisant une écriture éminemment simple et poétique.

Capture_d_e_cran_2019-09-14_a__19.26.15.jpg © Albin Michel Jeunesse

Face à cette partition verbale de haute volée, agitant nos émotions les plus profondes, l’image aurait pu se contenter d’une sage illustration. Mais c’est là que l’album bascule dans l’exceptionnel, par une véritable mise en scène visuelle orchestrée par Marije Tolman, offrant un stimulant prologue de dix pages muettes, ode au mouvement et à la liberté. La mise en page variée, dynamique, inventive, redistribue ainsi les rôles et produit par cette narration en texte et en images associés une lecture intelligente et sensible. Les dessins, qui oscillent entre esprit bd et poésie scientifique facilitent grandement l’accès, tout en créant un écho graphique à la thématique, puisque les décors en photographies monochromes, comme figées, renforcent par contraste la vitalité des personnages, en premier lieu ce renard quasi phosphorescent, mais aussi toute la galerie d’une faune et d’une flore dont la diversité est ainsi célébrée.