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Anne-Margot Ramstein, Matthias Aregui, Dedans Dehors, Albin Michel Jeunesse, Trapeze, octobre 2017, 18 €

Dans la lignée de leur Avant Après (Albin Michel Jeunesse, Bologna Ragazzi Award, 2015), mais dans un écrin argenté et agrandi, Anne-Margot Ramstein et Matthias Aregui ont fait paraître Dedans dehors. Si le premier projet trouvait tout son intérêt dans la successivité des pages, ici, le changement de format, comme la pagination resserrée, s'expliquent par une sollicitation accrue de la lecture d'image.

dedans-dehors-chalet.jpg © Albin Michel Jeunesse 2017

Sur chaque double page, deux images à fond perdu confrontent ainsi un dedans et un dehors qui explorent les diverses manières d'envisager cette opposition, certaines très évidentes – intérieur et extérieur, dessus et dessous – d'autres plus subtiles – devant ou derrière une cage. Le plus souvent, la compréhension de la relation n’interrompt pas la lecture de la double page, qui appelle de multiples explorations de ses détails, engageant le lecteur sur des ébauches de narrations stimulant son imaginaire. Le lien de double page en double page appelle également la construction de sens par le lecteur, par le jeu d'échelle des plans, le changement de cadrage ou la répétition de motifs. Ce faisant, des trouvailles abondent, déjouant le jeu binaire trop convenu des oppositions et des vues figées, tel ce cœur battant du sauteur à l'élastique.

dedans-dehors-der.jpg © Albin Michel Jeunesse 2017

Mais c'est véritablement dans les deux dernières double pages que le livre prend toute sa dimension d'ensemble. À la faveur d'un vertigineux zoom arrière en quatre planches, se construit ainsi un emboîtement inattendu, apportant une justification narrative à la succession des pages et au livre tout entier. Un homme âgé y figure, bienheureux, posté derrière sa fenêtre ouvrant sur un infini de maisons similaires et géométriques, de celles inventées à Phoenix (USA) dans les années 50. Derrière lui, un cabinet de curiosité, où s'étagent dans l'abondance et le désordre les souvenirs d'une vie qui invitent à revisiter tout ce qui a précédé. De la rectitude et de l'orthogonalité cachant un foisonnement d'émotions, jaillit ainsi une conclusion stupéfiante de l'ouvrage.

Difficile de ne pas interpréter aussi cette dernière double page comme le symbole de la création du duo artistique, dont les images (élaborées à quatre mains) refusent la personnalisation et usent de ce médium, le "flat design", qui exclut profondeur de champ et jeux de textures, mais offrent un foisonnement et une densité propres à conjurer la platitude de la technique et à lui donner toutes ses qualités plastiques, comme ses lettres de noblesse.