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Terminus, Matt de la Pena (texte), Christian Robinson (images), Les Éditions des Éléphants, 2016 (ed. or. USA, Penguin), 13,50 €

Surdéterminée depuis ses origines par un objectif éducatif, la littérature pour la jeunesse, dès lors qu'elle touche à des questions de société, s'enfonce bien souvent dans un didactisme pesant qui non seulement ôte toute grâce à sa dimension littéraire et artistique, mais prive l'enfant lecteur d'user de sa propre intelligence ou de sa sensibilité pour appréhender ces sujets.... Si l'album américain Terminus, récemment traduit en France par Les Éditions des Éléphants, en recevant le soutien d'Amnesty International n'échappe pas à cette intention citoyenne, il conduit pourtant le lecteur avec beaucoup de finesse et de poésie vers une réflexion sur la pauvreté en milieu urbain.


Capture_d_e_cran_2016-09-21_a__11.37.36.png © Les Éditions des éléphants

Conçu comme un traveling montrant le court trajet en bus de Tom et de sa grand-mère, l'album se centre sur leur dialogue, ou plutôt, sur les réponses que la grand-mère apporte à son petit-fils qui la questionne sur leur statut social ou sur leur environnement urbain. À la manière du père incarné par Roberto Benigni dans son film La Vie est belle, l'aînée affiche un optimisme résolu qui échappe cependant à l'angélisme puisque toutes les situations, bien ancrées dans la réalité, lui donnent immédiatement raison. Annonce-t-elle le caractère magique du chauffeur de bus que celui-ci effectue un petit tour éculé qui fait le bonheur de l'enfant, mi-amusé, mi-indulgent.

La grande finesse de l'album est de laisser l'image prendre en charge toute une dimension narrative non explicitée par le texte, soit en donnant un aperçu complémentaire de l'environnement qui ne sera pas, dès lors, inutilement appuyé, soit en pondérant des situations qui auraient pu sinon basculer dans le misérabiliste. Alors qu'on apprend que Tom et sa grand-mère se rendent finalement à la soupe populaire, l'image montre ainsi qu'ils en sont bénévoles et non bénéficiaires.

Capture_d_e_cran_2016-09-21_a__11.38.05.png © Les Éditions des éléphants

Le livre invite à une réflexion subtile sur le statut social tout en insistant sur la valeur du regard porté à la fois sur les gens et sur la ville. Les images, colorées, presque ludiques, ne cachent rien de leur ancrage stylistique dans les années 1960, peut-être en un hommage au précurseur de ce regard sensible et bienveillant sur l'enfance des quartiers pauvres new-yorkais, Ezra Jack Keats, puisque l'album, comme dans ceux du maître, met en scène un enfant noir pour lui-même, sans que jamais sa couleur de peau ne soit en tant que telle un sujet. Voici donc un livre qui, sans effet démesuré, mais avec une élégance et une grande finesse du propos, s'impose bien comme un album indispensable et précieux.