C'est un coffret boîte, carré, qui contient 4 petits livres cartonnés au coins arrondis, ornés de petits cœurs. Un coffret pour les tout-petits dont les bacs de libraires débordent, avec en couverture ses vignettes de lapin, de fraise, de doudou ou de gâteau, et ses onomatopées 1er âge : "Argh !", "Areuh !"... Voilà. Mais... c'est une boîte à images d'Emmanuelle Houdart.
Alors, les images en question sont celles d'araignées, d'œufs brisés, de tête de mort ou de langue tirée. Provocation ? Aucunement. Car pour l'illustratrice, révélée en 2004 par ses Monstres malades, l'horrible voisine toujours avec le sensible, l'écœurant avec l’appétissant, la blessure avec la luxure... L'harmonieuse audace des teintes dont elle est prodige, la délicate application de traits fins qui ourlent les volumes, contribuent à créer avant tout un univers de douceur et d'élégance. L'esprit de l'imagier est bien là, mais ancré à ses origines profondes, celle du cabinet de curiosités, déjà exploré par l'auteur avec Dedans (2006).
© Thierry Magnier, 2014
Aux univers visuels stéréotypés, aseptisés que l'on propose en masse aux jeunes enfants, Emmanuelle Houdart fait le choix de ces images complexes, intrigantes. Elle offre avec une très grande générosité des images gorgées de sensualité à un public qui en est généralement privé, sûre que les enfants goûteront ces représentations affranchies, suggestives, telle cette vache miniature qui chevauche la tête d'un poisson décharné, laissant au passage s'échapper quelques gouttes de son lait. On pense, d'ailleurs, aux gouttes de lait et de sang que Tomi Ungerer propulse à tout-va dans La Grosse bête de Monsieur Racine, on pense aussi à Nikolaus Heidelbach...
On pense, donc, que l'univers d'Emmanuelle est rigoureusement indispensable aux enfants.
© Thierry Magnier, 2014