Claude Ponti, La Venture d'Isée, L'Ecole des Loisirs, 2012
Mô-Namour, le précedent livre de Claude Ponti avait fait du bruit. Enfin, le bruit du chuchotement et des interrogations timides, de la part de ceux qui y percevaient une nouvelle manière. Une manière d'aborder de front des sujets difficiles. Un manière de dessin plus franche aussi. Sans doute n'était-ce pas tant une nouvelle manière que l'aboutissement d'une évolution enclenchée par Blaise et le chateau d'Anne Hiversère, ce grand album dont se sont massivement emparés les enfants, et qui s'est poursuivie par les catalogues (Le Catalogue des parents, Soeurs et frères). La Venture d'Isée, qui semble cette fois laisser les adultes silencieux, confirme pourtant cette évolution : Claude Ponti parle directement aux enfants, ne s'adresse plus qu'à eux et ne s'embarrasse plus des autres. Point de somptueux dégradés ou de savantes intertextualités. Les universitaires en sont pour leur frais. Ne reste que l'essentiel, qui continue pourtant de s'afficher avec densité sur le fond désormais blanc de la page. Multiplications des détails et des scènes secondaires, verve foisonnante, mises en page audacieuses avec arbres en gouttières et multiplication de vignettes. Tout est jeu, tout est lecture et tout fait sens. On sent que la complexité de l'album répond à la formation continue que constitue la fréquentation régulière des livres de Claude Ponti.
Claude Ponti, La Venture d'Isée (détail p.14) © L'Ecole des loisirs, 2012
C'est que les jeunes lecteurs de Claude Ponti sont devenus très doués et perdront certainement dans leurs traces rapides et sinueuses nombre d'adultes. Pour les enfants seuls, alors, ces parcours d'orientation dans le désordre fléché des cases, pour eux seuls ces références au monde des jouets ou aux classiques de la littérature enfantine, comme ce "petit pouinze" dont le manque de discernement face à sa rose manipulatrice subit le sort maintenant récurrent du "choutoloin". Pour eux seuls, surtout, cette histoire de petite fille qui ose quitter le confort familial pour vivre sa venture en propre et en figuré avec ses amis choisis.
Pour eux seuls, donc, le silence d'une lecture dense et inépuisable.