nappe-comme-neige-couv.jpg Marion Fayolle, Nappe comme Neige, éditions Notari, 2012, EAN 9782940408351

 

Marion Fayolle, étoile montante de la cohorte flamboyante des strasbourgeois (1), publie aux remarquées éditions Notari son troisième album sous forme d’abécédaire.

C’est entendu, l’abécédaire est l’une des plus astucieuses et courantes manières, pour un créateur, de valoriser son travail. Devons-nous pour autant bouder notre plaisir dès lors qu’il paraît dans le secteur jeunesse et ne pas reconnaître sous la plupart de ses réalisations – comme en témoigne, parmi tant d’autres l’ABC TAM TAM de Gianpaolo Pagni chez MeMo – la manifestation d’un foyer créatif vivant, irriguant l’ensemble d’une production dont on sait, en France, à quel point elle est audacieuse et inventive, et dont absolument rien n’indique qu’il ne puisse rencontrer l’intérêt premier de l’enfant ?

Alors, oui, cet abécédaire est d’abord un très bel objet, qui sert magnifiquement le travail graphique si singulier de Marion Fayolle. Ses images à grande échelle, sur fond blanc, donnent à voir comme jamais ses réalisations, alliance inédite de la texture, du flou et de la rugosité de l’empreinte avec la froideur de la trame informatique. En contrepoint, en complémentarité ou en équilibre, le travail du trait – crayonné – apporte la dimension concrète et sensuelle à ce travail d’une rare élégance, que l’on pourrait situer à mi-chemin entre Paul Cox (pour l’épure formelle, la justesse chromatique) et Juliette Binet (pour la douceur du crayonné et le goût de la forme graphique pure).

Un travail à rapprocher également de celui de Guillaume Dégé, qui enseigne d'ailleurs à Strasbourg. Non seulement en raison de correspondances formelles ou d’un goût commun pour l’élégance du trait, mais plus encore pour cette mise en scène d’une intelligence vive de la lettre et de l’image, aussi impertinente que cultivée, flirtant avec l’absurde, la métaphysique et la crudité sensuelle de la chair se nourrissant aux sources d’un Roland Topor ou d’un Glen Baxter.

Car c’est là que réside l’intérêt premier de cet abécédaire qui, sur la page de gauche, propose une première association conventionnelle, aussi bien sémantiquement que formellement, pour ensuite dériver sur la page de droite en un jeu d’association ou de métamorphose plaçant la forme familière dans un contexte qui créé une surprise tantôt amusante, tantôt intrigante ou positivement dérangeante.

 

 

 

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© éditions Notari 2012 (source).

 

L’exquise élégance, la délicatesse formelle de Marion Fayolle agit comme un philtre sur ces représentations désinhibées, aussi intellectuelles que charnelles, verbales que visuelles, et dont la contemplation agit, s’insinue plutôt, durablement, dans l’imaginaire sensoriel de son lecteur.

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(1) i.e. Les élèves diplômés des Arts Décoratifs de Strasbourg dont sont sortis, entre de nombreux autres, et plus ou moins récemment : le duo Icinori, Stéphane Kiehl, Delphine Chedru, Delphine Durand, Géraldine Alibeu, Juliette Binet, Benjamin Chaud, Renaud Perrin, Christian Voltz, Hélène Riff, Gaëtan Dorémus (qui y enseigne actuellement), Anouk Ricard ou encore Serge Bloch.

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Voir : le blog de Marion Fayolle, celui des éditions Michel Lagarde pour son premier album et des éditions Magnani pour son deuxième album et la Revue Nyctalope.