theferless.jpg Anne Herbauts, Theferless, © Casterman, 2012, 16,50 €

 

Anne Herbauts, qui loue avec une extraordinaire conviction l’album, pour sa globalité, pour l’ensemble de ses composantes qui doivent faire sens, pour l’interaction de ses messages, offre, avec Theferless, son dernier titre paru, un ouvrage où texte et image atteignent leur plus haut degré de séparation, le livre s’ouvrant sur une double page toute en image, et se poursuivant par la suivante qui supporte le seul texte sur son immensité blanche.

Dans ses créations, rien n’est laissé au hasard par Anne Herbauts. Aussi, aurait-on tord de ne pas prêter attention à cette distribution commandée par la mise en page. On constatera alors que, grâce à elle, les illustrations prennent ainsi toute leur portée symbolique, et le texte, toute sa richesse poétique, lui qui ouvre le livre par ces mots :

Ancrée au milieu d’une forêt dense, se tenait la maison, étroite et carrée, dans le ventre d’un 8, chemin qu’avaient dessiné, à force de vaquer autour et non loin, les habitants dudit logis.

De fait, le 8 prendra – ni dans le texte ni dans l’image, mais dans la seule lecture qui les réunira – le sens de l’infini.

Alors peut commencer l’histoire, celle de cette Très vieille, du Père, de l’Enfant, de la Mère-Giron. De la Mort. Et du chat, nommé Moby Dick en raison des deux poissons qui tiennent dans son ventre. Celle où avanceront prudemment les histoires, celle où l’on égraine les noms de fleurs ou noms d’oiseaux, celle où déboule, en catastrophe, une hirondelle blessée, qui, en disant le temps et l’espace, la couleur et le voyage et, par son nom, sait calmer la peur (the fear less ?), resserrera les liens de cette famille, laquelle, pour un instant, au moment d‘un au revoir, reste dehors, soudée, dans l’imposante immensité bleue du ciel, dans les cris qui résonnent et cette lumière qui « ressemble à un opéra » accueillant ainsi, le dénouement, drame apaisé par la caresse enveloppante de la nature fondue dans la culture.

Theferless, dès sa couverture, de la première à sa toute dernière page, s’impose comme un album infiniment précieux, fin et délicat ouvrage au service d’une émotion rare, qui imprègne durablement son lecteur.