notari_larose.jpg La rose. Un conte de Ludmila Petrouchevskaïa, illustré par Claudia Palmarucci.

Traduction de Gabrielle Cotier Éditions Notari, 2011. EAN 978940408467

Edition originale, Orecchio Acerbo, Italie

 

Ce conte-là est à rapprocher des Contes cruels de Villiers de L‘Isle-Adam ou de ceux de Maupassant. Il y a aussi beaucoup de Kafka dans cette narration qui oscille entre fantastique et absurde, évoquant le parcours d’un homme affublé d’une très forte odeur de rose, au point de contaminer tout son entourage, et qui va se trouver être la proie des professeurs de l’académie de botanique qui le transforment, comble de l’ironie – ou du cynisme – en une rose sans odeur ! L’homme devra s’accommoder à sa nouvelle existence car : « les fleurs étant des créatures soumises, il lui fallait bien supporter la vie d’une fleur », formule aussitôt complétée en dernière page par une autre qui rejoint (par quel miracle ?) l’expression française de la « rose poussée sur un tas de fumier » : « C’est que les vraies fleurs, elles, poussent dans la saleté et se nourrissent comme ça vient ».

 

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© Editions Notari

On le voit, à la lecture, les références affluent, lesquelles sont abondamment convoquées par l’illustratrice, qui travaille ce texte avec une aisance impressionnante. D’ailleurs, le petit format, resserrant le tout, la mise en page qui associe volontiers le texte et l’image, ou encore les jeux typographiques font de ce petit livre un objet très visuel. Si la créatrice inscrit avec évidence ce texte dans la lignée de Kafka (un cloporte traverse une pièce) ou de Chamisso (l’ombre de l’homme dessine une rose), elle place toutefois résolument l'illustration sous le signe du surréalisme narratif. Dès la couverture, la référence à René Magritte est explicite : un homme en costume et chapeau melon est représenté, le visage couvert d’une imposante rose, tandis que le titre, en redondance, s’inscrit de l’écriture cursive du célébrissime « Ceci n’est pas une pipe » du tableau La trahison des images. Alors, il faut reconnaître que la référence à Magritte et particulièrement à L’Homme au chapeau melon est fort courante parmi les illustrateurs contemporains, au point d’en devenir un cliché. Mais, à l’évidence, ici posée en couverture, la référence soutient le fonctionnement allégorique en posant d’emblée le fonctionnement nivelé du récit. D’autant que la référence est suivie et que la colombe du tableau de Magritte apparaît sur la dernière image, en un ultime rappel.

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© Editions Notari

 

Le dispositif fonctionne donc remarquablement. Car si les références ouvrent un faisceau d’œuvres en résonance, les qualités littéraires et esthétiques de l’ouvrage suffisent à faire accéder tous les lecteurs à la portée symbolique de ce court et amer récit sur la condition humaine.