Le mythe de l’enfant sauvage a subi, sous ce titre, quelques adaptations en littérature pour la jeunesse. Mais aussi quelques transformations, avec notamment La rencontre de Allan W. Eckert ou encore le formidable roman graphique de David Almond et Dave McKean, Le Sauvage. Dans cette grande famille on trouve aussi bien entendu un grand classique sans cesse réédité, Le Livre de la jungle de Kipling.

 

9782874491177_1_75.jpg Vivi des Vosges, Aurélia Aurita et Frédéric Boilet, Impressions Nouvelles, Bande dessinée / coll. Jeunesse ISBN 978-2-87449-117-7, Septembre 2011, 16 €


Le mythe nous revient cette fois avec un album qui ne manque ni de vigueur ni de vélocité, j’ai nommé : Vivi des Vosges. Empruntant aussi bien à Victor (L’enfant Sauvage de Truffaut) qu’à Fifi (Brindacier), comme nous le suggère son surnom, le personnage de Vivi conjugue le destin de son aïeul aveyronnais et l’énergie de son modèle suédois. Dans sa forme même, l’ouvrage est lui aussi à mi-chemin entre illustration et cinéma : les dessins vifs, nerveux, excluant d’emblée toute préoccupation d’aboutissement esthétique, nous entraînent dans le sillage de cette petite fille trouvée en forêt par un chasseur et qu’une maman d’adoption tente tant bien que mal de civiliser : 1. En lui faisant mettre une culotte (ce qui occupe l’essentiel du volume !), 2. Le premier point étant résolu, en lui faisant fréquenter l’école. En dépit des efforts consentis par Vivi, l’ouvrage s’achève sur le retour à la nature de l’indomptable enfant.

Œuvre de deux auteurs de bande-dessinée, Aurélia Aurita (Fraise et chocolat) et Frédéric Boilet (Tôkyô est mon jardin) le récit en images fait preuve d’une belle inventivité : si Vivi est représentée dans les illustrations, le texte et la mise en couleurs épousent son regard subjectif : les mots sont ceux qu’elle comprend progressivement tandis que la gamme chromatique n’emplit que les objets ou sujets par elle reconnus.

 

VIVI-Image-1.jpg Aurélia Aurita, Frédéric Boilet © Impressions Nouvelles

Chacun, à tout âge, se sentira interpellé par ce récit aussi impertinent qu’émouvant. Que ce soit par les sentiments mis en scène ou par les références qu’il convoque, ce titre touche à l’universel. Y compris à celui du terme "album" dont on ne se demande plus, enfin, s’il est de jeunesse, de bande dessinée ou de famille. C’est là peut-être l’un des grands mérites de Vivi des Vosges : renouer avec le sens et la pratique populaire de l’album à partager en famille.

Rappelons enfin qu’il est édité par les Impressions Nouvelles, maison d’édition de Benoît Peeters, dont le lecteur, qu’il l’ai connu au travers de l’œuvre monumentale et inégalée des Cités Obscures, de son ouvrage théorique aussi pédagogique que novateur Lire la bande-dessinée ou, plus récemment, de sa passionnante biographie de Jacques Derrida, a fait de ce nom une référence incontournable.