Capture_d_ecran_2022-10-19_a_13.27.56.jpgLa bourrasque, Mo Yan, Zhu Chengliang, éditions HongFei, septembre 2022, 15,90 €

Les grands écrivains qui investissent le texte d’album le font souvent avec une écriture décalée, voire ampoulée. La brièveté nécessaire à l’album, l’impératif de rythme, d’oralité, et bien entendu de complémentarité avec l’image ne sont pas toujours bien cernées par ces personnalités qui bien souvent ne font que passer dans ce domaine.

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© HongFei 2022

On pouvait donc tout craindre d’un texte d’album du prix Nobel de littérature Mo Yan. Mais c’est un texte lumineux qu’il offre aux jeunes lecteurs, en replongeant avec acuité dans le monde rural de son enfance. La traduction de l’écrivain et éditeur Chun-Liang Yeh est portée par une langue qui oscille entre rythme, simplicité « Quand j’étais petit, j’habitais la campagne », et belles envolées dans les descriptions « Peu à peu, le brouillard se dissipa et découvrit la rivière, tandis que le ciel azuré s’illuminait. En un rien de temps, le soleil monta bien haut et ses rayons rouges nous éblouirent ».

Précisément, les textes d’album évitent habituellement de telles description, laissant les images porter les ambiances et les représentations. C’était sans compter le talent de Zhu Chengliang, dont le sens de la lumière et le touché des couleurs créent des atmosphères qui amplifient la portée du texte et apportent une puissance épique à ce récit de la vie rurale qui prend la dimension d’un événement hors du commun pour l’enfant, futur écrivain. Et les expressions du visage, les postures des corps amènent quant à eux leur propre partition, entre comique, tendresse et retenue.

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© HongFei 2022

Car les ressentis et les émotions affluent dans l’histoire de cette journée de fauchage, éreintante, réduite à néant par une bourrasque dont l’album rend compte avec puissance et virtuosité dans la temporalité de son désastre. Point de résolution heureuse ici, non plus de morale. Juste quelques larmes qui affluent au rebord des paupières, des mains crispées sur une charrette vide et le lâcher d’un brin d’herbe dérisoire par une main enfantine. De la grande littérature, en somme.