Mathias Friman, Une bouteille à la mer, Seuil Jeunesse, mai 2022, 15 €
Alors que les livres pour enfants assénant les bons principes d'un comportement écologique vertueux se multiplient, Mathias Friman a lui choisi l'efficacité d'un propos purement visuel. Une canette anonyme en est l'héroïne malgré elle, sa quasi éternité devenant le ressort d'un scénario implacable. Sur les premières pages de garde, un aimable tableau de la faune et de la flore marine accueille le lecteur. Sur les dernières, une même disposition naturaliste affiche cette fois une collection de déchets. Entre les deux, un lent travelling silencieux met en scène cette substitution, sur de vastes double pages crayonnées en valeurs de gris. À la suite de la canette, qui attire l'attention d'un banc de poisson avant de passer devant l'oeil impassible d'une baleine, un coton tige s'enlace à la queue d'un hippocampe, un masque chirurgical caresse les coraux et, peu à peu, les amas de bouteilles en plastique remplacent la vie et s'enfoncent dans les ténèbres.
© Seuil Jeunesse 2022
La narration visuelle de Mathias Friman excelle à rendre l'impression d'une animation de ses images fixes, s'appuyant sur la répétition de motifs et les compositions suggestives des vastes double-pages. Son trait méthodique et sensible rend aussi bien compte de l'espace sous-marin que de la singularité des animaux, telles ces rayures éparpillées sur le corps de la baleine. Rarement un album sans texte se sera autant inscrit dans le silence. Celui des bas-fonds sous marins. Celui de notre impuissante émotion.
© Seuil Jeunesse 2022