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Claudine Desmarteau, Un mois à l'ouest, Editions Thierry Magnier, 14,50 € Marie Sellier, La Peau de mon tambour, Editions Thierry Magnier, 13,90 €

Deux romans pour adolescents ont paru récemment aux éditions Thierry Magnier. Celui de Claudine Desmarteau, Un mois à l'ouest, embrasse le road trip d'un jeune français, au Québec, dans les années 1980, entre désillusion sentimentale, errance looseuse et découvertes salvatrices. De page en page, au gré des rencontres, la consistance de son personnage se renforce, sa sensibilité surtout, qui donne au lecteur une prise pour s'attacher à lui et mesurer, au travers du récit de son drame passé, livré par bribes pudiques, l'ampleur d'une lumineuse personnalité en train de se forger. Une fois encore, le style vivant, tout aussi vibrant, à fleur de peau que rugueux et irrévérencieux de Claudine Desmarteau envoûte. Et on la suit bien volontiers dans son réjouissant jeu de transcription phonétique de l'accent québécois.

La peau de mon tambour, le texte de Marie Sellier, s'attache quant à lui à une année charnière dans la vie de la jeune Zoé. Alors que son adolescence n'abandonne rien de l'imaginaire et de la sensibilité de l'enfance, de sa fragilité non plus, elle se trouve progressivement abîmée par l'injustice et la toxicité d'une relation familiale où le déséquilibre psychique de sa mère l'atteint dans son propre corps, finissant par la mettre met en danger. C'est de cet extérieur que constituent le deuxième cercle familial et celui des amitiés que viendront la promesse d'un épanouissement. L'écriture poétique, attachée aux atmosphères, hyper sensible aux odeurs, aux ressentis du corps, fraye un chemin entre souffrance de la chair et instants de grâce immatériels.

Les sujets, les écritures de ces deux romans sont fort différents et pourraient n'avoir pour seul point commun que leur proximité éditoriale. Pourtant, dans leur rapport à l'intime, aux corps, aux mots, rares et puissants qui parviennent à dire le mal-être, quelque chose les lie... Peut-être parce qu'ils s'attachent à l'un des moments les plus forts des vies humaines, celui de l'affirmation de soi, de l'émancipation et de l'envol vers sa propre destinée.

Mais il y a aussi leur refus de toute concession à la facilité, que ce soit dans la construction du récit pour l'une (flashbacks non "signalisés"), dans la voix narrative pour l'autre (le choix de la deuxième personne et les multiples inférences que prend alors le "elle"). Ce refus de la simplification, dans un secteur éditorial tellement prudent, tellement angoissé par le potentiel décrochage des jeunes (du livre, de la lecture, de l'école) et qui, pour ces raisons, multiplie entreprises de séductions et clichés de la lecture codée, reste à souligner. Car dans cette production massive, trop souvent fabriquée, ces deux ouvrages ont avant tout en commun d'offrir des occasions brutes, puissantes, d'une rencontre intense avec la littérature.