JeTAime_Couv_dia-26e1b.jpg Remy Charlip, Je t'aime, trad. Olga Kent, éditions MeMo, avril 2017, 12€

C’est un dialogue, et seulement cela, entre un parent et son enfant. Un dialogue tendrement loufoque, absurde par excès de bienveillance, autour de la répétition si réconfortante de ces mots éternels « je t’aime ».

On pense évidemment au célèbre poème I like you de Sandol Stoddard (dont Charlip a illustré, Mon chat personnel et privé spécialement réservé à mon usage particulier, lui aussi traduit par MeMo). Mais si le poème de sa complice a connu une incroyable postérité, jusqu’à devenir un incontournable des cérémonies de mariage américains, Je t'aime ou I love you, dans sa version initiale publiée aux USA en 1967 par Mc Graw-Hill Company, est lui resté attaché à sa forme initiale.

C’est que ce texte est indissociable de son support.

JeTAime_P06-1faf5.jpg © éditions MeMo, 2017

Uniquement constituée d’un dialogue direct, la narration ne recourt à aucune incise mais s’appuie plutôt sur les dessins et la matérialité du livre pour en éclairer le sens. Élaboré avec ce minimalisme dont Charlip est devenu maître dans le domaine de l’album (voir On dirait qu’il neige, Les Trois ourses ou Rien, MeMo), chaque page, chaque espace, chaque lettre est partie prenante de la narration.

Dans un article intitulé « A page is a door » (1), Remy Charlip, dont il faut rappeler la singularité d’artiste, créateur de livres inventifs, mais aussi danseur, chorégraphe ou metteur en scène, souligne la matérialité des pages que l’on tourne comme une porte et dont la reliure s’apparente à une charnière. Et de fait, dans ce livre de petit format, chaque page joue le rôle d’une séquence, créant un théâtre de poche à la mise en scène étonnante (placement des personnages sur la page et jeu avec le mobilier, notamment).

Faisant ainsi de l’album un support d’expression d’une redoutable efficacité, Remy Charlip superpose à la complicité qui unit le parent et son enfant, la complicité entre l’auteur et son lecteur. Lire est donc bien une affaire de coeur...

JeTAime_P11-13a12.jpg © éditions MeMo, 2017

(1) « A thrilling picture book not only makes beautiful single images or sequential images, but also allows us to become aware of a book's unique physical structure, by bringing our attention, once again, to that momentous moment: the turning of the page. » Cité par Brian Selznick, sur le site http://www.theinventionofhugocabret.com, où l’auteur raconte comment, en grand admirateur de Charlip, il a demandé à ce dernier de poser pour les illustrations de son roman Hugo Cabret en raison de sa ressemblance avec Georges Méliès.