couv_coeur-de-bois.jpg Henri Meunier (texte), Régis Lejonc (illustrations), Cœur de bois, éditions Notari, mars 2016

Ce pourrait être le plus bel album jamais écrit sur le thème de la résilience, mais c’est bien plus que cela. Bien plus complexe qu’un livre à thèse, la dernière création du duo Henri Meunier et Régis Lejonc est d'une puissance émotionnelle rare.

Certainement, l’un et l’autre, l’auteur comme l’illustrateur, ont produit ici le meilleur de leur art. L’écriture est bouleversante, dans sa simplicité, dans sa justesse, mais aussi dans ses ellipses et ses ambiguïtés. Les illustrations de Régis Lejonc creusent le mystère, installent une atmosphère rare dans le livre pour la jeunesse, comme cette première double page à l'inquiétante familiarité. Et la référence au conte, auquel les auteurs ont déjà contribué par des variations antérieures, est finement orchestrée.

notari_coeur-de-bois_pp06-07.jpg © éditions Notari, 2016

Mais la réussite est ailleurs. Elle est dans l’entre-deux, ou dans le tout. Avec une parfaite maîtrise, chaque double page module l’interpénétration du texte et de l’image, offre un espace réinventé où ils jouent à se répondre, se contredire, se distancer, dans cette forêt tout à la fois angoissante et enveloppante. Cette danse du texte et de l’image, à laquelle répondent le dedans et le dehors, tient à une écriture très visuelle et à des images aussi littéraires que cinématographiques, mais aussi à l’utilisation de l’album comme support vivant et signifiant. La tourne de page située au milieu du livre, véritable lieu de basculement et de révélation du récit, demeurera ainsi plus qu’un pont, une apogée.

Le livre laisse le lecteur anéanti, lequel n’a pourtant qu’une hâte, reprendre au début, faire revivre la magie qui s’exhale de l’œuvre qui, semble-t-il, est inépuisable, par ses nuances, par ses profondeurs. Un très grand livre.