Couv.moi_canard.jpg Ramona Badescu (texte), Fanny Dreyer (illustrations), Moi, canard, Cambourakis, mars 2016

Ce pourrait être un roman, par son format, ou un album, par ses qualités visuelles. Mais c'est un texte de théâtre qui n'en a pas l'air. C'est donc un livre qui ne ressemble pas aux autres livres. Une sorte de vilain petit canard du conte d'Andersen, dont il est une réécriture. Cette indécision – et la liberté qu'elle offre – sied magnifiquement à Ramona Badescu, dont l'écriture vagabonde plus que jamais, butine le blanc de la page en des césures et des renvois qui forment une arythmie vivifiante. Ce faisant, elle donne une voix, une véritable voix, nouvelle, intime et poignante à ce Vilain Petit canard et tire ce récit vers une expression du moi, de la sensibilité, porteuse d'images poétiques au fort pouvoir évocateur.

Et l'illustratrice Fanny Dreyer se met au service de ce texte, tout en offrant sa propre partition, loin des usages du récit illustré, soit sept séquences muettes insérées entre chaque chapitre, qui oscillent entre évocation des ambiances ou motifs et repères narratifs. Son style singulier, celui qu'on lui connaît est là, mélange de texture picturale et d'efficacité graphique, mais ici comme en réserve, tandis que la représentation de la nature occupe le premier plan et s'offre gracile, nue et troublante. Ses images elles aussi vagabondent, s'autorisent des échappées buissonnières ou imaginaires, mais ramènent, toujours, à la beauté du livre, celle d'un conte, d'une écriture et d'une poésie visuelle remarquablement conjugués.