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Anne Herbauts, L'Histoire du géant, éditions Esperluète (Belgique), 2015, 19,50 €

Parfois, Anne Herbauts, fait ce pas de côté, qui l'emmène vers la bande dessinée pour adultes (éditions de L'An 2), ou bien, plus fréquemment, vers les textes illustrés, ceux des éditions Esperluète, qui accueillent tout un tas d'autres pas de côté d'auteurs jeunesse, de Frédérique Bertrand à Loren Capelli, et dont le catalogue regorge de livres aussi admirables qu'inoubliables, comme ce Voyage d'hiver, d'Anne Brouillard ou encore ce Daphné d'Anne-Hélène Dubray, pour ne citer que les plus récents.

L'Histoire du géant n'échappe pas à la règle et nous offre l'un des livres les plus forts et les plus émouvants d'Anne Herbauts. Ici, le verbe mène la danse, les images suivent, muettes, amples, faites d'opacités et de transparences, réduisant les figures à la portion congrue pour laisser exulter la force des éléments naturels, lumineux, sauvages.

Le verbe, lui, est riche, très riche, d'un lexique débordant, qui semble sourdre par flots de la blessure de ce géant tombé à terre. L'histoire ne va pas tellement plus loin, si ce n'est dans les allusions, les silences, les symboles ou les ellipses qui jalonnent ce texte pourtant découpé en chapitres. Chacun s'insinue dans cette matière dense et profonde, navigue à vue, et frissonne, retenu, ici et là par cette voix anonyme qui chante autant qu'elle raconte. Anonyme et pourtant sensuellement incarnée dans cette convergence du folklore populaire et d'une poésie aérienne. La brièveté du texte incite à la relecture, ravive le plaisir, enfantin, d'être caressé par une armée de mots étranges et si peu familiers.

Et longtemps, la plainte, les gémissements et la chaleur de ce géant qui s'éteint dans la douleur, continuent d'irradier l'âme du lecteur.