couv_chevalier_bachelet.jpg Le Chevalier de Ventre-à-terre, Gilles Bachelet, Seuil Jeunesse, 2014, 15 €

Il est urgent d'attendre. L'expression pourrait servir de devise à ce Chevalier de Ventre-à-Terre, bien qu'elle n'apparaisse point en ces pages où l'on érige pourtant une statue au Saint-Procrastinin ! Peut-être l'auteur de Champignon Bonaparte (Seuil, 2005) a-t-il lu sur le blog d'un autre champignon illustré que l'oxymore était attribué à Georges Clémenceau, exemplaire va-t-en-guerre. Car ce Chevalier de Ventre-à-Terre, bien mollement belliqueux, est avant-tout un formidable hédoniste qui expose dans le creux du sens ouvert entre le texte et l'image son amour de la vie et de ses plaisirs.

Et l'on se délecte tant de ces réjouissances qu'on en oublie une fois encore l'identité du héros, un escargot, doté de bras mais point d'yeux, en une nouvelle gageure, une nouvelle fois brillamment tenue par celui qui nous fit autrefois prendre des éléphants pour des chats. Prose élégante à la rythmique parfaite, usage immodéré du détail qui comble les initiés ou les curieux, sens de la narration par l'image usant de répétitions stationnaires comme d'enchaînements foudroyants, il ne faudrait pas omettre d'ajouter au bouquet d'éloges, l'immense générosité du dessinateur, qui, sur le motif en tapisserie des pages de garde ne duplique aucun des 36 casques inventés ou bien encore offre au lecteur une palette chromatique d'une harmonieuse richesse le posant en certains points en égal d'un Walter Crane.

Vous l'aurez compris, fit des devises, précipitez-vous, vraiment urgemment, sur ce dernier opus du grand Gilles Bachelet.