couverture-chambre-du-lion.jpg

Adrien Parlange, La Chambre du lion, Albin Michel Jeunesse, octobre 2014, 14,50 €

La chambre du lion avance dès la couverture une esthétique "vintage" dont on s'aperçoit bien vite, par la qualité de l'image et la cohérence de l'ensemble, qu'elle n'est pas simplement destinée à séduire. Adrien Parlange est indéniablement à placer parmi ceux dont le recours à un style référencé est réfléchi en fonction d'un propos. Il faudrait l'interroger sur ses sources. L'illustration pour enfant du début du XXème siècle pourrait bien en être la référence première. On peut notamment penser à André Hellé, ou, plus méconnu, à Fernand Fau et ses images pour Trente histoires en images sans parole à raconter par les petits. Car cet album repose avant tout sur l'enchaînement des images, sur la narration que forme leur suite, et sur le sens qu'il faut tirer de leurs différentes transformation au sein d'un décor unique.

LA-CHAMBRE-DU-LION---2.jpg

© Albin Michel, 2014

La chambre du lion est un livre sur la peur, celle, enfantine, qui incite à se plonger sous sa couverture en imaginant qu'elle est le plus sûr des refuges. Sur celle, plus douce, qui tenaille aussi celui qui attend, dissimulé, au cours d'une partie de cache-cache, lorsque l'attente se teinte d'excitation ou cherche des dérivatifs à l'ennui qu'entraîne une dissimulation forcée. Le contraste entre la légèreté référentielle des images et le caractère doucement anxiogène de la narration créé ce décalage qui offre un souffle, une ampleur. Tout comme l'élégance du lion, et sa modernité surprenante, ajoutent aussi à cette atmosphère singulière.

Mais La Chambre du lion est également une réflexion subtile sur l'espace, sur le lien entre le réel et le figuré, offrant ainsi, au fil des pages, l'identification d'un trait incliné en un miroir, de volutes en un lustre, etc. L'identification est progressivement donnée par le texte qui révèle ainsi, au sens premier, la suite d'images tout en focalisant l'attention sur la narration principale. À la relecture, l'histoire de base s'enrichit de plusieurs épisodes secondaires, savoureux, parfois évidents, parfois plus retors, et donc délicieux à déchiffrer, comme le jeu du chien et de l'oiseau. Et à chaque découverte, on s'extasie qu'une composition aussi simple et limpide puisse recéler autant de découvertes.

Il est rare qu'un album parvienne à déployer un système aussi dépouillé au profit d'un propos aussi fécond. La Chambre du lion s'affirme comme l'une des très grandes réussites de cet automne.