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                La Source des jours, Mélanie Rutten, MeMo, septembre 2014, 17 €

L'ombre de chacun, album publié il y a tout juste un an –chaque titre de l'auteur paraissant à un année d'intervalle– présentait une communauté singulière de personnages, sorte d'album choral à la construction virtuose, où la question des peurs ancrées en nous (l'ombre) trouvait sa résolution dans la fraternité et la configuration choisie des liens d'amitiés. Poursuivant cette thématique, et reprenant ses personnages, Mélanie Rutten lui donne avec La Source des jours une ampleur nouvelle en déployant un roman des origines d'une rare intensité. Usant du procédé, quasi inexistant en littérature pour la jeunesse, du prequel (un récit qui se situe antérieurement à celui d'une publication antérieure pour en expliquer les origines) elle invite le lecteur à la suivre dans le vertige de cette œuvre ouverte, formée par la richesse et le foisonnement des figures et des motifs. Travaillant au corps cette notion des origines, de la source ou du début, l'auteur porte, par l'intermédiaire de ses personnages mais aussi de sa prose, très poétique et même de son graphisme, délié et chatoyant, de nombreuses interrogations, profondes, qui offrent au lecteur autant de pistes pour une réflexion, voire une introspection (y compris de l'œuvre elle-même).

"Il n'y a pas de début, ni de fin" se dit l'Ourse. Tout se transforme, mais tout est la même chose.

Faisant preuve d'une maîtrise totale de la forme album et d'une esthétique assurée, tout en volutes, couleurs et transparences, elle permet non seulement au lecteur d'évoluer avec intelligence, grâce et émotion dans ce volume mais également d'opérer des liens fructueux avec celui paru l'an dernier. Il en est ainsi de cette image de l'ourse observant le cerf recueillir le lapin abandonné, champ contre champ de l'une des scènes inaugurales du premier album.

Titre après titre, Mélanie Rutten établit rien moins qu'une œuvre d'une densité littéraire exceptionnelle dans le domaine de l'album. Le lecteur du XXIème siècle peut ainsi se réjouir d'assister à l'affirmation d'un classique de demain.