Adrien Albert, Au feu Petit Pierre, L'Ecole des loisirs, mars 2014, 12,70 €
Il n'y a pas de livre moyen dans la bibliographie d'Adrien Albert. Chaque titre s'affirme avec cohérence, abouti et parfaitement singulier. D'une singularité douce, paisible, qui conforte autant qu'elle ébranle son jeune lecteur. Après Simon sur les rails, on dernier album en date, Au feu petit Pierre, s'installe sans déranger personne dans l'un des genres clés du secteur jeunesse : le livre-camion de pompier. Rien qui ne déçoit l'attente : ni le beau, imposant et rutilant véhicule, ni le rouge puissant et les flammes mordantes, ni les péripéties en chaîne, ni le majestueux incendie en version maxi-kino-panorama.
Adrien Albert © L'Ecole des loisirs, 2014
Et pourtant, par des glissements à peine perceptibles, Adrien Albert sait aussi s'éloigner du genre et offrir la possibilité à son lecteur, s'il le veut bien, de faire un pas de côté. Car s'il le veut bien seulement, le lecteur se demandera pourquoi on n'aperçoit pas Orang-outan sur la première page qui le cite pourtant, le lecteur rira de l'absurde de cette situation où le sauvetage de Bubulle est plus urgent que celui de la grand-mère pourtant réfugiée sur une maigre portion d'un plancher écroulé, il se représentera toute la complexité spatio-temporelle du récit grâce au montage en insert de la vignette montrant Orang-outan en train de pomper à des kilomètres de là, et peut-être, se souviendra-t-il avant les personnages eux-mêmes que celui-ci continue de pomper alors que l'incendie est maintenant éteint. Et, s'il le veut vraiment bien, il se nichera dans ces pages au chromatisme audacieux, aux lignes aussi dynamiques que réconfortantes et se délectera de ce que Petit Pierre, si courageux et inventif a, lui aussi, l'occasion parfois de faillir. Et que c'est un petit garçon d'action et un lecteur. Un petit garçon auquel les adultes font confiance.
Voir également le billet de Lucie & Co.