Cristina Sitja Rubio (avec la participation de Cristobal Leon), Étranges créatures,
éditions Notari, collection "L'oiseau sur le rhino", juin 2013, EAN 9782940408726
Dans cette période d’entre deux, au cours de laquelle vacances et reprise se chevauchent, je reviens sur un album paru en juin dernier qui fait, lui, un pas de deux, entre esthétique et pédagogie. L’objectif clairement annoncé (« Comment sensibiliser de tout jeunes lecteurs à des questions importantes du monde actuel sans faire de discours ni développer des explications? » lit-on en préambule sur le site de l’éditeur Notari) est celui d’une fable morale contemporaine, écologique et citoyenne.
Si le schéma narratif peut éventuellement interroger (doit-on nécessairement infliger à nos agresseurs un acte à la mesure de celui qu’ils nous ont fait subir pour les amener à une prise de conscience ?), le registre symbolique dans lequel la narration se pose, comme la concision du texte, permettent une prise de distance avec la problématique initiale et encouragent à relativiser la primeur du message. Car la langue est soignée, épurée. L’écriture choisit avec soin des formules auxquelles l’usage ponctuel, si peu courant dans les albums, du passé simple, donne autant son élégance que sa singularité à l’album et dirige le lecteur vers sa pleine appréciation esthétique.
© Notari, 2013
C’est là que l’on rejoint avec bonheur l’étrangeté annoncée par le titre, d’ailleurs largement portée par les images de Cristina Sitja Rubio, dont la forte charge picturale sont magnifiées dès la couverture par un pelliculage « soft touch » qui, s’il relève bien souvent de l’accessoire de mode, donne ici au lecteur la sensation d’être directement en prise avec la matière de cette couleur omniprésente. Partant d’un album « à thème » le littéraire et l’artistique prennent ainsi rapidement le pas pour offrir une expérience de lecture très prégnante.