Anaïs Vaugelade, 4 Histoires d'Amir, L'Ecole des loisirs, 2012, 14,80 €, EAN 9782211209021
La disparition de l’immense Maurice Sendak sonne l’heure des rétrospectives et des hommages. L’heure des questions, aussi. Où en est, aujourd’hui, l’album tel qu’inventé par Maurice Sendak ? Et plus généralement, où est la relève ? Que devient l’album narratif ? Ces questions, si elles méritent d’être posées, appellent surtout une réponse qui devra être élaborée, attentive aux évolutions très récentes, prometteuses, de l’album pour la jeunesse.
Anaïs Vaugelade fait partie de ces rares auteurs-illustrateurs appartenant à la génération « d’après » que l’on a pu inscrire dans la lignée de ces maîtres que sont Sendak ou Ungerer. Il faut dire qu’elle a totalement assumé son héritage, auquel elle fait explicitement référence. Plus encore, elle n’a ménagé ni son ardeur, ni son talent pour imposer un style et un ton personnels tout en mettant en scène les motifs narratifs des albums devenus classiques, ici, de Max et les Maximonstres dans l'échappée de l’imaginaire (Le secret, Le matelas magique), là, du Géant de Zéralda, dans des duels en tension, virtuoses, entre le prédateur et sa proie (Une Soupe au caillou, L’Ami du petit tyrannosaure, Le Déjeuner de la petite ogresse…).
Et puis un jour, spliitt ! Quoi ? Lapsus ? Dérapage incontrôlé ? Paf, le monstre mangeait le gentil. Et le digérait. Et – pire – le gentil s’en sortait (Le Cauchemar de Gaëtan Quichon). Intact. Depuis, rien n’était pareil, tout était différent.
Alors, Anaïs Vaugelade recommence une nouvelle œuvre qui suit une vie nouvelle. Une œuvre qui cale ses pas sur ceux d’un tout-petit. Comme un Claude Ponti qui mettait en place le mouvement quand Adèle marchait (Adèle s'en mêle) et introduisait le texte lorsqu’elle parlait (Adèle et la pelle), pour aboutir à « son » modèle de l’album, Anaïs Vaugelade, après Papa, Mama, Bébé (2011), fait grandir ses livres et ses idées avec ses 4 Histoires d’Amir en coffret.
© Anaïs Vaugelade, L'Ecole des loisirs 2012
Elle y offre une étonnante singularité, synthèse inédite du livre pour la petite enfance, de la bande dessinée et de la photographie. Le tout impose sa grande originalité, posant un ancrage rassurant dans la culture de la prime enfance – par la référence aux comptines anglaises, par les titres brefs désignant leur sujet / objet rappelant l'imagier… – tout en déployant une grande modernité – surprenante perspective du portrait d’Amir, très photographique, des jeux d’échelle dans les sujets ornant les couvertures...
L’ensemble regorge de fantaisie et d'invention, est sensible, drôle et bienveillant (chaque histoire se clôt sur un goûter réconfortant) tout autant que stimulant. L’ensemble est neuf. Et prometteur. Quelle hâte maintenant, qu’Amir grandisse, sa créatrice et ses lecteurs avec lui !
Commentaires
J'aime beaucoup Vaugelade car elle me surprend toujours tant dans la lecture de l'image qu'elle propose que dans l'histoire racontée
AliceOui, dès ses débuts – je pense aux premiers titres des Zuza – elle a instauré un rapport texte / image original : le texte narratif venait doubler les dialogues, comme une description en parallèle des bulles. Ici, elle travaille l'originalité des points de vues et réussit, en douceur, en respectant le tout jeune lecteur, à imposer un travail très singulier.
SVdLToujours aussi brillante Vaugelade, on y reconnait sa patte dans les couleurs et puis les canards me font un peu penser à Laurent tout seul quand ils partent toujours "un petit peu plus loin". J'adore vraiment.
chlop