memoire_elephant.jpgLa Mémoire de l'éléphant. Une Encyclopédie bric-à-brac.

Textes de Sophie Strady, illustrations de Jean-François Martin. Hélium, 2012. 16,90 €. EAN 9782358510868


Hier, 1er mai, n’était pas que la fête des vrais et faux travailleurs. C’était aussi la fête d’anniversaire de Marcel, un vrai faux éléphant, autrement dit un éléphant de fiction, paradoxal personnage principal d’une encyclopédie, il est vrai, « bric-à-brac ».

C’est que « La Mémoire de l’éléphant » est un objet hybride, mi encyclopédie, mi album narratif, les deux habilement entremêlés. Une première trame narrative croise déjà les genres, puisque l’histoire de Marcel qui recouvre peu à peu la mémoire de son passé, fraye déjà avec des lieux connus (le jardin du Luxembourg, le canal de Panama) et des événements célèbres (mai 68). On se rapproche des documentaires narratifs qui font le succès de la collection Archimède à l’Ecole des loisirs. Mais d’élégants cartouches ajoutent encore au cœur des images un apport rigoureusement informatif sur les caractéristiques de ces animaux d’Afrique ou d’Asie. Ainsi, au cœur d’une histoire sur un éléphant-personnage-fictif se superposent des informations sur l’éléphant-animal-réel. Las, à point nommé, des planches documentaires s’insèrent à leur tour dans le fil de l’histoire, pour offrir des parenthèses encyclopédiques sur les vêtements, les instruments de musique, les bateaux ou la faune et la flore, en fonction des éléments fictifs abordés. En fin d’ouvrage, des lexiques proposent encore une nouvelle grille de lecture en récapitulant les différents objets figurés au sein des décors, au fil des pages, et qui sont tous des meubles et accessoires de design reconnus.

 

mamoire_elephant_1.jpgSophie Strady, Jean-François Martin, © hélium 2012. Source : http://noir-de-mars.blogspot.fr/

 

À ce mélange des genres, signalons un autre croisement, apporté par le travail de Jean-François Martin. S’il intervient bien en illustrateur (les textes sont de Sophie Strady), c’est en graphiste qu’il compose ses images remarquablement élaborées, dont le travail sur les effets de « flou » des personnages signe leur identité, des images référencées, aussi bien dans leurs influences graphiques que dans les éléments figurés. Jean-François Martin offre ainsi, de manière rare pour un illustrateur, des images qui sont aussi bien des illustrations que des compositions graphiques ou des propositions narratives.

 

memoire_elephant_2.jpgSophie Strady, Jean-François Martin, © hélium 2012. Source : http://noir-de-mars.blogspot.fr/


L’ensemble forme donc un objet nouveau, puit de ressources, d’informations instructives ou amusantes, de belles images, source stimulante, tous azimuts, de nombreuses lectures, linéaires ou musardières. Un livre qui, s’il n’est pas répertorié dans les nombreuses listes qui circulent en ces temps d’élections, n’en est pas mois hautement politique. Passons outre la référence aux éléphants (du Parti socialiste) : en posant l’enjeu de la mémoire et de la connaissance, comme celle de l’esthétique, cet album hors norme affirme sans nul doute les bases d’une prise de conscience déjà politique.