nour.jpg Mélanie Rutten, Nour, le moment venu, éditions MeMo, 2012, EAN 9782352891369, 16€


Mélanie Rutten est aussi une révélation. Une révélation improbable, que d’aucun auront pu juger impossible, mais voilà, aussi sûrement que les surprises se découvrent à point nommé, elle s’est imposée en quatre livres comme une figure incontournable de la jeune génération de créateurs d’albums.


« Le moment venu. »

 

Le dernier titre de sa tétralogie (voir le précédent billet sur Eliott et Nestor) nous offre toute l’étendue de son talent en même temps qu’il dispense une étonnante leçon de narration par l’album. Il y a d’abord, avant toute chose, un univers graphique, magnifié, une fois de plus, par le travail éditorial des éditions MeMo : qualité et texture du papier, de la reliure. S’inscrivent délicatement sur ces pages de fins dessins ourlés d’encres lumineuses. On touche parfois au très minuscule, pour, la page tournée – l’enseignement d’un Jean de Brunhoff est là – embrasser la profondeur d’un paysage en pleine double page.

 

nourdouble.jpg Mélanie Rutten © éditions MeMo, 2012


L'espace de la page s’invente chaque fois une nouvelle voie, vignettes cheminant sur la page avec leur héroïne ou mordant timidement le support pour étager le subliminal message annonçant la fin, et le sens, de l’histoire. L’intelligence du support est bien là, lorsqu’on laisse nos personnages au détour d’une tourne de page, au désespoir, pour les retrouver au coin suivant, éclairant l’avenir d’une promesse.

 

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Mélanie Rutten © éditions MeMo, 2012


Intelligence, surtout, d’une narration qui sait accueillir sa densité, user d’une écriture rythmée, posée, pour dire les choses, tout simplement, ou les réserver à notre sagacité. Ainsi Mélanie Rutten entrelace-t-elle les petits bonheurs du quotidien et les découvertes essentielles de la vie, le rôle du hasard comme celui de la préméditation, l’importance des rêves comme celle de l’expérimentation, la dualité d’une table vide entourée d’amis et celle d’une table pleine de victuailles, le très concret (ce qui va dans une boîte) et l’immatériel (ce qui va dans un carnet)…

 

« Tout le monde se cherche. »


Et ses fulgurances nous cueillent au débotté, lorsque pris dans la vision subjective de Nour aux yeux bandés, l’image suivante assume la gentille tricherie et nous donne à voir ses propres pieds près desquels, pointe à peine, le bleu magistral de la surprise finale.

 

nour3.jpg Mélanie Rutten © éditions MeMo, 2012

 

Mélanie Rutten est bien cette révélation. Celle d’une surprenante émancipation.

Un nouveau printemps est là. Gorgé d’espoir et de promesse.

 

« Car toutes les histoires sont rares et s’écrivent petit à petit. »