Couv.Fabrique-Douzou.jpg Adèle de Boucherville, La Fabrique d'Olivier Douzou, L'Atelier du poisson soluble, 2015, 26 €

Adèle de Boucherville est une figure atypique dans le domaine de la critique en littérature pour la jeunesse. D'abord professionnelle de l'édition, elle s'est formée en autodidacte, au contact, fructueux, des œuvres, et des auteurs dont elle a su s'attirer confiance et bienveillance. Surtout, elle est une littéraire ; ses textes critiques ne ressemblent à aucun autre, emprunts d'une écriture qui va son rythme et creuse son propre sillon, singulier, proche de celle d'un auteur.

Et les questions liées à la création, justement, l'intéressent avant toute chose. Adèle de Boucherville lance donc une nouvelle collection critique à L'Atelier du Poisson soluble, qui prend le beau nom de Fabrique. Remonter la source du geste créateur, en comprendre les mécanismes, cerner les principes de l'imaginaire de l'auteur, voilà ce qui mobilise son regard original sur les créations de quelques-uns des plus grands de ce secteur (Olivier Douzou, Claude Ponti, Grégoire Solotareff, Bruno Heitz).

Qui, sinon elle, aurait eu l'idée de placer le créateur Olivier Douzou sous le signe du dessin ? C'est pourtant l'évidence, et elle nous le démontre majestueusement avec ce premier titre, œuvres, anecdotes, références et perspectives biographiques à l'appui. Car, oui, tout, en Olivier Douzou, est dessin.

Le regard sur le créateur, son œuvre, sa manière de travailler est aussi efficace qu'affectueux. Aucun aspect de l'œuvre monstre de celui qui offrit au monde de l'édition jeunesse son premier livre en tant qu'auteur en 1993 n'est oublié : aperçu commenté de l'ensemble des titres, exploration des projets connexes, revue des techniques et des motifs graphiques, permanences de l'imaginaire, mode opératoire et fonctionnement de la création, tout y est, avec un étonnant sens de la synthèse. Mais le supplément d'âme se taille la part belle, avec un attachement constant à la personnalité de l'auteur, à son monde sensible comme à ses affinités électives – Nathalie Fortier et Frédérique Bertrand offrent ici des propos d'une extraordinaire justesse.

La mise en page, à l'iconographie abondante, nourrie de projets inédits et de pages de carnets, génère une véritable lecture à deux niveaux, réussissant enfin, dans une publication critique, à ne pas redoubler le propos mais à l'enrichir considérablement.

L'ensemble prend la forme d'un cahier, comme celui qui porta le premier livre et chef d'œuvre d'Olivier Douzou, Jojo la mache. Gageons qu'Adèle de Boucherville ouvre ici à son tour, à sa manière, une nouvelle voie dans ce secteur qui mérite grandement de telles publications critiques, aussi inventives que rigoureuses.