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Gary D. Smith, Jusqu'ici tout va bien, L'Ecole des loisirs, Medium +, traduction de Caroline Guilleminot, 18 €

Gary D. Smith est un écrivain américain dont nous découvrons l'œuvre, en France, avec une décennie de retard. Nous sommes donc vierges d'a priori, tout est à prendre, tout est à attendre. La Guerre des mercredis, publié en 2016, fut une jolie révélation. Avec Jusqu'ici tout va bien, c'est autre chose. Une exaltation. Quelque part entre Kes (Barry Hines) et Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (Harper Lee) – on peut vraiment oser la comparaison – le récit s'attache à décrire, pas à pas, l'intégration d'un adolescent maltraité dans une petite ville de l'État de New-York, Marysville, étouffante en été, glaciale en hiver, hostile toute l'année. Nous sommes en 1968, les jeunes gars reviennent du Vietnam avec des membres en moins, et les astronautes s'approchent de la lune. Rose sur le tas de fumier, Doug Swieteck va, dans ce contexte, faire la découverte de ses talents enfouis, et surtout, la rencontre véritable d'une humanité.

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© L'Ecole des loisirs, 2017

Récit d'apprentissage, découverte de l'art, joutes amoureuses, rapport troublé à l'école, sur ces sujets mille fois rebattus de la littérature ado, Gary D. Smith convie des motifs inhabituels et invente une voix narrative faite d'adresses récurrentes, de blancs savamment distillés et d'un désarmant humour du désespoir qui scelle l'attachement, fort, du lecteur à ce texte impossible à délaisser, non pas pour son suspens, plutôt pour son narrateur, vivier d'émotions à fleur de peau, dont on veut s'éterniser à être l’œil qui l'écoute. Et le texte offre d'ailleurs une grande densité de caractère pour chacun des personnages, complexes, en métamorphose constante. Avec le baseball, la bibliothèque municipale, Audubon, Austen, les cocas glaçés et Broadway en renfort, Jusqu'ici tout va bien achève de s'imposer comme un grand texte de la littérature pour la jeunesse.