9782203222687_QUAND_HADDA_REVIENDRA-T-ELLE___BD.jpg Anne Herbauts, Quand Hadda reviendra-t-elle ?, Casterman, Les Albums Duculot, novembre 2021, 15,90 €

Capture_d_e_cran_2021-11-06_a__17.58.45.jpg Anne Herbauts, Matin Minet – À L'intérieur, Pastel, Novembre 2021, 11,50 €

L’un est un grand format, l’autre un petit qui tient bien en mains. L’un évoque la chaleur de l’été, l’autre nous fait contempler la neige tombée. L’un est en rupture avec les titres précédents de l’auteure, l’autre est le nouveau tome d’une série. L’un dessine le vide, quand l’autre célèbre le plein. Pourtant, l’un et l’autre sont indubitablement liés.

Depuis des années, Anne Herbauts habitue ses lecteurs attentifs à suivre ses projets éditoriaux dans différents catalogues. À la régularité de ses publications dans la collection Les Albums Duculot, depuis 1997, répondent des titres épars, publiés par Esperluète mais aussi désormais par les éditions Pastel, avec la série Matin Minet entamée en 2018. En ce mois de novembre 2021, un fil sensible relie ses deux dernières publications. Car au titre Quand Hadda reviendra-t-elle ? (Casterman), répond la dédicace de À l’intérieur (Pastel) « à Hadda, pour toujours à l’intérieur » assortie d’un oiseau délicat aux yeux fermés et au cœur enflammé. Dédicace qui renvoie à son tour aux dernières pages du grand album « Va, va ! Je suis là. En toi. Pour toujours. » alors qu’une hirondelle trace de sa silhouette solide le chemin ascendant vers un ailleurs, dans la continuité de la lecture.

9782203222687_QUAND_HADDA_REVIENDRA-T-ELLE__P021_300.jpg Quand Hadda reviendra-t-elle ? © Casterman 2021

Le jeune lecteur n’a pas besoin de connaître l’histoire intime qui sous-tend ces correspondances électives. Surtout, il n’a pas besoin qu’on y appose les douloureux termes de deuil, ou de mort. Même si confusément il les ressent. Ou pas. Ou qu’il en perçoit simplement la trace dans la disparition figurée par le texte, par l’image, par le tout. Car l’une des grandes forces de l’album est qu’il n’est certainement pas un album de plus sur la disparition. Plutôt une écriture de la disparition. Quand Hadda reviendra-t-elle ? ne met en scène aucun personnage (si l’on excepte ce doudou tigre déjà aperçu dans des titres précédents). Les illustrations densément colorées aux discrètes touches de collages, parmi les plus réalistes dessinées par l’illustratrice belge, offrent des vues d’une maison ancienne, aux carreaux de ciment à motifs, seulement habitée des traces de jeux enfantins – pinces à linge assemblées, cartes étalées, voiturettes chargées. Le titre-question revient sur chaque page en ritournelle. Les réponses qui lui sont apportées emploient le « je », le « tu », dans une douce complicité nimbée d’une poésie diffuse, discret écho aux indices disséminés dans les images lui faisant face.
Capture_d_e_cran_2021-11-06_a__17.59.48.jpg À l'intérieur, © Pastel, 2021

À ce vide répond le plein de l’intérieur de Matin Minet et Hadek. Un intérieur chauffé, habité, douillet et calfeutré. C’est que la neige qui tombe pendant des jours les empêche de sortir. Oui, c’est un confinement. Et comme dans tout confinement il y a du thé, de bons gâteaux, des cornichons, une fenêtre et des livres. Mais ici, les livres ne sont pas de petits loisirs, de modestes objets peuplant des chambres d'enfants ; ils s’imposent. Peu à peu, les deux compagnons explorent le champ des possibles de la lecture : contes, guides de cuisine, documentaires sur les oiseaux, livres illustrés, petites BD et grands récits, albums sans texte… Les livres sont ouverts, manipulés, montrés, confrontés dans toute leur diversité. Rarement un livre mettant en scène les livres aura su à ce point saisir le plaisir de la lecture immersive. Les deux compères s’y plongent tant et tant qu’ils finissent par ne plus se soucier du temps qui passe ou qu’il fait. Et cela suffit à faire une histoire – cet oubli, ce bien-être, cette échappée. Dans laquelle les oiseaux tiennent, comme toujours chez Anne Herbauts, ce rôle aussi discret qu’essentiel.