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Adrien Parlange, Le Ruban, Albin Michel Jeunesse, "Trapèze", 03/10/2016, 13,50 €

"Comment personne n'y avait pensé plus tôt ?" Sans doute est-ce à ce questionnement qu'on reconnaît une idée véritablement novatrice. Adrien Parlange, après avoir fait un usage inédit du transparent imprimé dans L'Enfant chasseur (Albin Michel, 2015), déplace, dans son dernier album, un signet tissé du haut vers le bas du livre posant, par ce geste, un principe aussi original que fécond.

ruban2.jpg © Albin Michel Jeunesse 2016, photographie Adrien Parlange

Le signet, qui prolonge ou achève des figurations successives forme ainsi tour à tour un ruban, une ficelle, un fil, puis une langue de serpent et aussitôt un serpent lui-même. La fabrication est exemplaire, et les quatre couleurs (dont l'étonnant Pantone cuivre déjà utilisé dans les albums précédents) offrent des variations délectables par le jeu de formes épurées et poétiques. À ce stade, le livre est déjà parfait : on s'étonne, on admire, on joue.

ruban1.jpg © Albin Michel Jeunesse 2016, photographie Adrien Parlange

Mais s'il est un art dans lequel excelle Adrien Parlange, c'est celui de la densité dans le dépouillement. Tous ceux qui ont lu puis relu La Chambre du lion (Albin Michel, 2014) interdits d'y trouver chaque fois plus de matière narrative, savent que d'un dispositif aussi épuré qu'efficace le créateur est capable de tirer mille échos. Si l'album propose dans ses premières pages des figurations conventionnelles pour lesquelles le ruban donne corps à la représentation (ballon, cerf-volant...), très vite, la nature du signet change, il devient liquide avec la bouilloire, solide avec les spaghetti, jusqu'à augmenter peu à peu la distance avec la figuration, qui devient ensuite hors-champ avec "Une évasion" ou "Une victoire". Dans la lignée des imagiers de Blexbolex proposés par la même maison d'édition(*), l'écart entre le mot et la chose (ici en deux et trois dimensions) accueille toute la subjectivité – ou l'intelligence – du lecteur qui rebondit d'une image l'autre.

Dispositif quasi inépuisable entre compréhension et imaginaire, Le Ruban est bien ce livre parfait, et plus encore.

(*) Projets conduits par Béatrice Vincent, dont la production est désormais identifiée sous le label "Trapèze". Voir l'interview de l'éditrice, ainsi que de la responsable de la fabrication, Alix Willaert, dans le prochain numéro de la revue Hors-Cadres, n°19, à paraître en novembre prochain.