couv_buffalo.jpg Olivier Douzou, Buffalo Belle, Rouergue, mars 2016, 12€


Tout nouveau livre d'Olivier Douzou est une surprise, y compris, ou surtout, pour le lecteur averti bien incapable d'anticiper sur les styles ou sujets à sortir de l'atelier du créateur ruthénois. Et cette fois, la surprise est de taille. Car en offrant, par sa dernière publication, une contribution sur le genre, ses démêlées grammaticales et sexuelles, Olivier Douzou ébranlerait l'approche non thématique qui est la sienne. Mais Buffalo Belle est-il un livre sur le genre ? On peut éventuellement s'en convaincre à la lecture de la 4ème de couverture ou de l'exergue. Passé les frontières du livre, le lecteur est néanmoins immédiatement happé par une création verbale et visuelle qui, à l'évidence, transcende largement toute intention.


BB_int4.jpg © Rouergue, 2016

Insérés en gras dans le corps de la narration versifiée, les syllabes ”il” et ”elle” se trouvent inversées dans tous les mots en comportant. Le jeu de l'inversion, qui fraye avec les registres oulipiens dont l'auteur est un praticien, n'en devient rapidement plus un pour le lecteur, qui adhère alors rapidement à ce texte neuf, progressant pas à pas dans un récit de vie minimaliste dont l'intensité s'affirme à mesure que l'âge des enfants représentés avance. Et c'est profondément ébranlé, que le lecteur parvient au terme de cette élévation du sujet. Dès lors, le principe de l'inversion, et ses implications symboliques n'ont, à ce point du récit, plus rien de mécanique et laissent place au trouble... L'auteur fait ainsi glisser le régime binaire de l'opposition masculin / féminin, vers la fusion essentielle de l'être. De l'être libre.

Adèle de Boucherville, dans la monographie qu'elle lui a consacré, déclare à l'attention des inattentifs que le dessin est la pierre angulaire de l'œuvre d'Olivier Douzou. Après Les aventures d'Alexandre le Gland (2012) ou Forêt-Wood (avec José Parrondo, 2013), le créateur réalise un nouveau livre uniquement au crayon. Gras, noir, comme un défi à la maladresse ou au défaut de justesse. La rugosité du trait devient expression de l'affect, ses tracés vibrants le véhicule gracile des émotions.

De ce dispositif sensoriel, au format proche du roman, dont on sort convaincu qu'il est résolument pour la jeunesse dans sa tendance pré-adolescente, n'émerge dès lors rien moins qu'une réponse. Plutôt une œuvre, dirait-on. Franchement poignante.