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Beatrice Alemagna, Le Merveilleux Dodu-Velu-Petit, Albin Michel, 2014, 15,90 €

Elle se prénomme Edith, mais ses amis l'appellent Eddie. Et tout est dit. Beatrice Alemagna, dont les livres aux illustrations-tableaux composées sur d'admirables déséquilibres ont fait la notoriété mondiale, semble, avec ce dernier titre, comme entraînée à la suite du courant d'air frais déplacé par son personnage virevoltant et déterminé. De l'écriture de l'album comme une fuite en avant. Car Eddie et sa doudoune rose fluo mènent la danse et font basculer l'équilibre des pages vers une authentique narration en images.

Un rose qui apporte magie et chaleur dans la profusion du monde et des objets aux couleurs doucement éteintes, comme un néon éclairerait un grenier encombré. L'énergie d'Eddie est celle de l'Enfance. Sans limite, elle accomplira des miracles, soutenue par la trame ancestrale des contes sur laquelle les commerçants bienveillants s'incarnent en Baba Yaga modernes. Tout, dans cet album, de son exergue (1) à cette poignante avant-dernière page montrant la joie et le soulagement d'Eddie comme l'image même du Bonheur, est un message de confiance et de générosité envers l'enfance. En témoigne cet artifice d'une page en rabat qui, à défaut d'un déploiement surprise ou d'un panorama exceptionnel, montre tout simplement l'allongement de la file d'attente d'un magasin, en un subtil soutien aux jeunes trop timides qui vivent avec peine la pression des adultes...

Moderne, inventive et délicate, en retrouvant le génie de l'enfance, Beatrice Alemagna signe ici un album appelé à devenir un classique.

(1) C'est mieux que les petits enfants vivent une vie ordonnée.

Notamment s'il peuvent l'ordonner eux-même

Fifi Brindacier