costa-brava-couv.jpg Olivier Douzou, Frédérique Bertrand, Costa Brava, Le Rouergue, octobre 2013, EAN 9782812605796, 16 €

 

Il y a d'abord cette couverture. Avec ce petit bonhomme, l'air déconcerté, pioche en mains, plongé jusqu'à la taille dans l'immensité bleu de la mer. Et ce titre qui sonne et s'inscrit comme sur une carte postale des bords de la Méditerranée : Costa Brava. Non, pas Costa Concordia. Et pourtant, là aussi, tout partait d'une bêtise déclenchant une catastrophe incommensurable. Ici, la bêtise et la catastrophe se joueront en mode mineur. Quoique, à l'échelle d'une conscience enfantine, elles paraîtront terribles. "C'est grave ? se demandait Pierre". Non, "J'ai rien senti, a fait Marinette". C'est qu'au finale, l'arc en ciel présent sur les premières et dernières gardes du livre aura tout effacé de cette histoire – un chien-météo cassé, l'unique citron tombé, le ruisseau asséché, une truite repêchée – qui, de fait, oscille sans cesse entre pluies et éclaircies.

 

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Olivier Douzou, Frédérique Bertrand © Le rouergue 2013

 

Après tant de collaborations communes, Fred Bertrand et Olivier Douzou offrent un album qui pousse plus loin encore leur maîtrise de ce support d'expression tout en convoquant avec cohérence nombre de leurs productions passées, de Pierre et le l'ours (MeMo, 2007) aux Comptines en continu (Rouergue, à partir de 2012). On peine à croire qu'une telle convergence du texte et de l'image, qu'un tel rythme soient possible à réaliser par deux créateurs. Leur capacité à faire converger la rigueur de la narration et l'expression, forte, de la subjectivité est remarquable et fait la très grande qualité de l'album. Frédérique Bertrand et Olivier Douzou se jouent ainsi d'un récit qui alterne texte descriptif et inscriptions subjectives, dessins cernés et traces picturales, vignettes et inserts de magistrales doubles pages muettes ou accueillant un bref et sentencieux "C'était grave" alors que l'ombre et la nuit, dégoulinantes de peur, recouvrent la coquette maison de brique de Pierre, de son papa, de sa maman (et de Marinette). Dans ces ombres, affleure parfois celle d'Hélène Riff qui sut magistralement mettre en scène la peur et l'angoisse générés par la bêtise dans Le jour où papa a tué sa vieille tante et Papa se met en quatre (Albin Michel Jeunesse, 1997 et 2004). C'est sûrement qu'avec elle, avec Michel Galvin et quelques autres, ils forment cette rare communauté de créateurs d'albums ayant su capter et rendre avec une étonnante justesse l'imaginaire enfantin.

La fabrication de l'album, toute en sobriété, est parfaite : elle rend hommage aux teintes subtiles de Frédérique Bertrand et le choix du papier donne bien souvent l'impression au lecteur, sur les fonds noirs, d'effleurer la surface du tableau noir d'écolier sur lequel s'inscrit le désarroi du jeune Pierre. Ainsi, tout fait sens dans cet album aussi puissant que subtil.

Voir aussi la chronique de LU cie.