L_OMBRE_DE_COMPLET_EXE_Mise en page 1 Mélanie Rutten, L'Ombre de chacun, éditions MeMo, septebmre 2013, 17 €, ean 9782352891987

 

Et L’ombre de chacun est arrivé. Comblant l’attente et l’impatience sourde de tous ceux qui avaient découvert et aussitôt aimé les livres de Mélanie Rutten, jusqu’ici organisés en un cycle des saisons, petites narrations naturelles aussi sensibles que profondes – Okö, Mitsu, Eliott et Nestor, Nour –, qu’il fallait bien quitter, on le savait.

Et c’est un livre éblouissant.

 

L_OMBRE_DE_COMPLET_EXE_Mise en page 1 Mélanie Rutten © éditions MeMo, 2013


Éblouissant de poésie, d’émotion, de délicatesse et de sensibilité. Paysages lumineux, chatoyants, où pointe le minuscule, le fragile. Magnifiques scènes de tendresse, sur lesquelles dansent les jeux de l’ombre et de la couleur. Images réconfortantes – cette lourde patte velue sur la tête du lapin, cet œuf enfin protégé autour duquel se fait sentir « comme un petit mouvement d’univers ».

Cet univers-là est de ceux qui parlent de l’enfance tout en parlant à l’enfance, avec bienveillance, avec confiance et avec espoir. Centré sur la grande affaire de l’enfance : la crainte et l’envie de grandir, il pourrait s’en contenter. Il fait pourtant bien plus.

 

L_OMBRE_DE_COMPLET_EXE_Mise en page 1 Mélanie Rutten © éditions MeMo, 2013

 

Car c’est aussi un livre éblouissant par sa construction qui, – et c’est là le très grand talent de Mélanie Rutten – ne retranche rien, absolument rien, à cette douceur et à cette poésie immédiatement perceptibles et envoûtantes. Références littéraires prenant la forme suggestive de l’allusion (le cerf et le lapin nous rappellent bien quelque chose…). Séquences en chapitres permettant d’opérer des retours en arrière, comblant a posteriori les ellipses ou les blancs de la narration (pourquoi le lapin a quitté le cerf, qui est la grande ourse ?). Foule d’indices dissimulés dans le foisonnement des décors (les apparitions de l’ombre, la voiture rouge qui file dans le paysage avant de nous montrer quelques pages plus loin ses occupants au premier plan…). Surtout, ce texte sobre et ciselé. Tout en retenue. Et pour cause, chargé qu’il est d’un feuilleté du sens, de symboles et d’annonces qui nourrissent insatiablement les relectures et construisent d’invisibles passerelles entre les pages du livre, entre les personnages, entre le passé, le présent et le futur.

Cette savante construction, très subtilement tissée, offre toutes les composantes du littéraire tel que défini par la théorie. Ainsi placée au service d’une intention et d’un accomplissement poétique et esthétique « parfaitement enfantins », Mélanie Rutten signe ici une pure œuvre de littérature pour la jeunesse, dans ce qu’elle est capable d’offrir de meilleur. Et de plus beau.

 

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Les fans de Mélanie Rutten sont là, et ils le disent, magnifiquement : La soupe de l’espace, Un autre endroit, et Gaëlle la libraire.