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C'était il y a 10 ans. Un minuscule éléphant rose, à la trompe démesurée, portant un nom de fruit, apparaissait à l'ombre d'un pissenlit, dans un album au format, souple, des premiers romans, et dont la langue, usant de la répétition et de la brièveté, combinait de manière inédite poésie et familiarité. Pomelo arrivait au monde de la littérature pour la jeunesse et sa singularité eût tôt fait, dès lors, de lui créer un cercle d'aficionados qui ne cessa de s'élargir au fil de publications toniques et chatoyantes.

 

pomelo4.jpg Pomelo Grandit, 2010

 

Et puis arriva Pomelo grandit. Le jeune éléphant s'incarnait et il lui fallut repousser les limites habituelles de son support pour donner corps à l'ampleur de son expérience. Désormais, Pomelo n'était plus le nom d'une série attachante et rieuse, rafraîchissante et philosophique, Pomelo était le nom du personnage d'un album absolument incontournable.

C'est peu dire qu'on attendait la suite. C'est peu dire qu'elle ne nous déçoit pas.

 

pomelocouv.jpg Ramona Badescu, Benjamin Chaud, Pomelo et la Grande Aventure, 2012, 13 €, EAN 9782226242303

 

Le format s'est inversé, passant de la hauteur à la largeur, ouvrant grand le champ à l'exploration d'un héros aux accents de grand voyageur romantique contemplant une mer de nuages. De l'inventaire iconoclaste préliminaire, à la dureté des épreuves qualifiantes, de la découverte des origines à la promesse d'un avenir radieux, la Grande Aventure tient ses promesses. Du rêve, de l'amour, des prises de risques, des rencontres ou des questionnements existentiels, Pomelo en était certes coutumier. Mais ici, c'est à une synthèse magistrale que nous convient ses créateurs. Rares sont les albums réalisés par un auteur et un illustrateur qui offrent une telle cohérence d'ensemble. Remarquablement composée, chaque nouvelle double page augure une séquence narrative à part entière, où le texte, comme l'image, multiplient les trouvailles, dont l'un des ressorts favoris est l'association oxymorique d'élans lyriques et de considérations bassement terre-à-terre : "Pomelo voit bien qu'il traverse des paysages mythiques, mais ce qu'il voit surtout, c'est qu'il a brûle-brûle aux papattes".

Mais c'est pourtant avec le plus grand sérieux et la plus grande intensité que les thèmes profonds sont abordés, tel ce géant Papamelo – lequel n'est pas sans évoquer la Nuit des Papas dans Ma Vallée, de cet autre géant, Claude Ponti, dont on ne doute pas qu'il constitue un modèle pour une telle narration – qui, en quelques phrases euphémistiques, transmet tout son amour et arme durablement son petit pour le reste de son parcours de vie.

 

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© Benjamin Chaud, Albin Michel Jeunesse, 2012.

 

L'ensemble est d'une étonnante densité, conduit avec un beau sens de l'ellipse, gorgé d'humour et de tendresse.

Les albums beaux, drôles, ingénieux, singuliers, surprenants ne manquent pas aujourd'hui. Les albums essentiels à l'enfant sont bien plus rares. Pomelo et la Grande Aventure est de ceux-là. Essentiel, donc.