bobo-poussin.jpg

pot-poussin.jpg Série "Poussin", Anne Terral, Bruno Gibert, Albin Michel Jeunesse, 2012, 9,90 €

 

Il est une réalité. Celles des ventes de livres pour la jeunesse. Par conséquent, c’est aussi la réalité des livres lus par les enfants de notre pays. Je n’ai généralement pas grand chose à dire sur ces livres-là. Si ce n’est que, le plus souvent, ils ne me semblent pas représenter un intérêt majeur. Le problème réside à mon sens dans ce que ne lisent pas la plupart des enfants plutôt que dans ce qu’ils lisent. Ces livres peuvent être distrayants, ce qui n’est pas si mal. Mais trop souvent, il s’agit de produits conçus pour répondre uniquement à la demande des parents, demande qui ne rencontre que rarement celle des enfants (lesquels peuvent vouloir des livres pour lire sur le pot mais jamais des livres sur le pot).

Pourtant, quand il m’est donné de croiser un livre qui a toutes les caractéristiques pour figurer en tête des ventes j’aime à y regarder de plus près, des fois que, par un miraculeux retournement, les livres destinés à être lus par un maximum d’enfants se trouvent être intéressants. C’est le cas de « Poussin sur le pot » et « Le Bobo de Poussin ». Le sujet, le format, le support, la couverture, le prix sont, à l’évidence, calibrés pour s’assurer les meilleures ventes. Mais encore ? Et bien, il y a des auteurs mentionnés, ce qui est finalement assez rare quand on considère les best sellers pour la jeunesse. Et quels auteurs ! Anne Terral et Bruno Gibert, qui ont déjà signé ensemble Comme-ci et comme ça chez Syros. De fait, le texte est court, simple et agréable, sait user de la répétition comme de l’ellipse. Les images conjuguent savamment couleurs consensuelles (fond rose pâle, héros jaune soleil, etc) et contrastes audacieux (proximité de différentes teintes de bleu ou association du rose et du rouge, par exemple), certaines formes sont très simplifiées quand d’autres sont travaillées dans le détail, comme pour nourrir un regard aiguisé. Surtout, chacun des titres développe une grande empathie vis-à-vis du héros, et donc du jeune lecteur. Poussin duveteux, espiègle, il est systématiquement placé au centre de l’image, entouré de ses amis ou de sa famille, en position de décider ou de choisir, y compris de s'isoler du regard ou d'être fier de lui, tout simplement.

 

poussin-int.jpg© Bruno Gibert, Albin Michel 2012, (détail)

Pour ces raisons, cette série « Poussin », brillamment conçue par ses auteurs, a toute chance d’accompagner une première entrée en littérature, de nouer une relation affective au livre, de placer enfants et parents dans une attente favorable à son égard et de les encourager, pour la suite, à la recherche de telles qualités dans les ouvrages pour enfants. Quand elle ne conduira pas, cerise sur le gâteau, à se pencher sur les autres titres des auteurs et à se diriger, dans un lien intertextuel bien amusant vers les Peluches à Paris (Autrement, 2011) pour retrouver Poussin dans un autre contexte, ou encore, vers ce divin bonbon de la littérature pour les tout-petits : ''Les Minichats''. Par exemple.