couv_plein_soleil.jpg Plein Soleil, Antoine Guilloppé, Gautier-Languereau, 36p, 18€.

Plein soleil est le livre idéal à offrir pour Noël. Non parce qu’il évoquerait l’ambiance du grand Nord –il a pour cadre la lumière dorée du grand Sud– mais parce qu’il est d’une facture tout à fait exceptionnelle.

L’auteur et l’éditeur reprennent ici le principe de fabrication inauguré l’an passé avec Pleine lune : des pages de papier épais, de texture mat, en noir et blanc, offrent des découpes au laser d’une incroyable finesse, formant autant de dentelles de papier jouant avec le blanc de la page, avec la lumière, notamment des aplats dorés, et ce de manière parfois tout à fait surprenante, comme en couverture, où les découpes dans la jaquette noire au recto, blanche au verso, laissent entrevoir dans l’épaisseur de leurs minuscules ouvertures le reflet du verso blanc sur le doré du carton de couverture, illuminant (paradoxalement) les ombrages d’un éclat plus intense.

Le procédé s’est donc perfectionné, pour notre plus grand enchantement. Mais la réussite de cet album tient bien entendu avant tout au travail artistique, plus que technique.

Comme à son habitude, Antoine Guilloppé nous offre l’apparence des évidences pour mieux en prendre le contre-pied. Avec lui, les logiques binaires, les attentes trop programmées, sont toujours contrariées. De la même manière que le blanc n’est pas l’opposé du noir dans son album sans texte, Loup Noir, ici, Plein soleil ne peut être considéré comme le versant solaire de Pleine lune. Outre qu’il apporte une dimension supplémentaire par l’adjonction d’aplats dorés, ce dernier album entreprend une véritable narration graphique là où existait préalablement une suite (somptueuse) de tableaux.

Travaillant son format, les jeux d’espaces, ici rendus particulièrement complexes en raison des transformations opérées par les fenêtres qui fonctionnent aussi bien au recto qu’au verso, le créateur surprend son lecteur par ses fulgurances esthétiques (voir notamment l’envol des oiseaux en pages de garde), ses jeux d’illusions (les deux premières doubles pages où le même dessin en découpe (les zèbres) figure deux temps, deux atmosphères totalement différentes, qu’il apparaisse sur fond noir ou blanc, sont remarquables) ou ses trouvailles narratives qui usent à merveille des fausses pistes (nous aurions pourtant dû nous souvenir de la chute de Prédateurs !).

Le créateur, qui aurait pu se reposer sur le caractère spectaculaire de l'objet livre, déploie ainsi toute son intelligence du support et de la narration graphique pour un émerveillement qui s'inscrit dans toutes les strates de la lecture. Que de bonheur et de chaleur !