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Il y a aussi, tous les livres dont on se souvient les avoir lus enfant et que l’on aime tout autant transmettre. Parfois à tort d'ailleurs.

Et puis il y a les livres de Nikolaus Heidelbach. Ceux-là, on ne les a pas forcément lus enfant et... ce n’est pas seulement qu’on aurait aimé les avoir enfant, c’est qu’ils s’adressent directement à l’enfant que nous étions. Ou plutôt, qu’ils font vivre l’enfant que nous étions. A la lecture de ses livres, une brèche s’ouvre et nous relie en prise directe avec l’imaginaire et la sensorialité de notre enfance.

Rares sont les auteurs à ce point en capacité d’offrir une traduction de l’enfance à l’état brut. Dès lors, il faut reconnaître Nikolaus Heidelbach comme un maître en ce domaine. Ses albums, qui ne plaisent que rarement aux parents — et pour cause !— au travers d’une mise en scène décorative originale, flanquée de papiers peints des années 30, partiellement sombre, et figurant des enfants communs au point d’en être singuliers, s’attache à la représentation de l’imaginaire intime des enfants.

C’est pourquoi il faut saluer à hauteur de l’événement la réédition d’albums de Nikolaus Heidelbach par la maison d’édition « Il était deux fois », spécialisée, comme son nom y fait allusion, dans la réédition d’album indisponibles. Il faut bien sûr du courage, quand on est un éditeur récent au catalogue encore restreint pour s’attaquer à l’œuvre d’un créateur à ce point ignoré par le grand public et au destin éditorial français sinistré (la plupart des albums de Nikolaus Heidelbach ont sombré avec les éditions du Sourire qui mord puis les éditions du Panama. En reste tout de même de disponibles au Seuil Jeunesse).

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Cette réédition, intitulée L’avenir de la famille, regroupe des albums anciennement publiés en deux volumes distincts par Christian Bruel, qui fit découvrir l'artiste au public français, sous les titres Tout petits déjà et Papa-Maman (Le Sourire qui mord, 1994). Mais l’éditrice, Adélaïde Veegaert, est cependant repartie aux sources de l’œuvre originale de Nikolaus Heidelbach, Kinderparadies, album somme, composite, étonnant par sa configuration en chapitres et ses ruptures de styles. Elle y a donc choisi deux chapitres et offre une nouvelle traduction, plus proche de l’original.

Si l’on est d’abord troublé par l’alternance d’images appartenant à l’un ou l’autre de ces chapitres, force est de reconnaître que le bonheur de retrouver cette création préside. D’autant que les deux sources forment malgré tout une réelle homogénéité, dans les portraits singuliers d’enfants qu’elles présentent.

C’est bien dans la subtilité, et particulièrement, dans le décalage de l’image au texte que se noue tout l’art de Nikolaus Heidelbach. Dans tout ce que l’image, s’adressant directement à la sensibilité de l’enfant, lui dit de lui-même. Dans ce visage serein de l’enfant pris en charge par un chimpanzé, dans ce regard aussi assuré qu’inquiet face à la plante armée, mais aussi, très finement, dans cette solitude de la pièce dans laquelle ils figurent presque tous.

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Nikolaus Heidelbach touche l’enfant que nous étions parce qu’il réussit à incarner une représentation de l’enfance dans ce qu’elle a de plus partagé, mais aussi de plus secret.

Mais l’art du créateur recèle cette capacité d’émotion des œuvres que l’on sait menacées parce que dédaignées. Il suffit alors de se rappeler, que Max et les Maximonstres, de la même manière, représentait un enfant seul, sans adulte, aux prises avec son imaginaire, son inconscient et ses fantasmes, et a suscité, en son temps, bien des hostilités avant de s’imposer comme un classique du livre pour enfants.

Toutes images : L'avenir de la famille © Il était deux fois, 2010. Avec l'aimable autorisation de l'éditeur