Capture_d_e_cran_2017-09-26_a__15.36.24.jpg Jean-Baptiste Del Amo, Pauline Martin, Comme toi, Gallimard Jeunesse, septembre 2017, 9,90 €

Tendre les pages de l'album pour la jeunesse aux écrivains venus de la littérature générale est inscrit dans l'ADN de Gallimard Jeunesse qui, de Michel Tournier (Amandine ou les deux jardins, 1977) à Elena Ferrante (La Plage dans la nuit, à paraître) offre un catalogue constamment alimenté par de grands romanciers.

En cette rentrée littéraire 2017, Jean-Baptiste Del Amo, prix du Livre Inter pour Règne animal (2016), fait paraître non pas un roman, mais un album à destination des plus jeunes lecteurs. Comment un écrivain à l'écriture si dense et si organique pouvait-il s'adresser aux tout-petits ? Par l'exercice, difficile, de la simplicité : une écriture dépouillée, fluide, des phrases ciselées desquelles parvient à sourdre une grande douceur.

Ce faisant, le romancier évite l'écueil de bien des albums signés par des écrivains : la démonstration emphatique d'un style littéraire (un écueil également évité par Erik Lhomme dans son album La Patience du héron, beau récit s'insérant dans la tradition littéraire japonaise aussi bien par son écriture que par ses références à Eiji Yoshikawa ).

Capture_d_e_cran_2017-09-26_a__15.35.50.jpg © Gallimard Jeunesse 2017

Militant de la cause animale, Jean-Baptise Del Amo propose un texte qui entend interroger le rapport de l'enfant à l'animal. Face à un genre littéraire qui use depuis ses origines d'animaux anthropomorphes et s'adresse à des lecteurs bien souvent animistes, l'écrivain choisit de sortir de la confusion et de construire son texte sur une adresse. Une voix narrative s'installe : "Comme toi, je vis entouré de ceux que j'aime...". Sur chaque double page, deux images, l'une mettant en scène des animaux, l'autre un enfant, dans une proximité des situations familiales, des activités et des sentiments. La réussite de ce choix narratif tient dans son indécision : on peut attribuer la voix narrative aussi bien à l'humain qu'à l'animal et, surtout, son adresse aussi bien aux personnages qu'aux lecteurs.

Capture_d_e_cran_2017-09-26_a__15.35.38.jpg © Gallimard Jeunesse 2017

Et la collaboration de Pauline Martin est décisive. Car elle sait admirablement, elle aussi, combiner simplicité, voire dépouillement, et tendresse. Surtout, elle manie admirablement les règles de la relation texte-image. Sans contradiction, ses images ne cessent d'ouvrir la polysémie de ce texte pourtant très resserré, usant de trouvailles (représenter le "nid" d'un gorille et non platement celui d'un oiseau) ou de subtilités (le "caractère" de la brebis coquette).

Si cet album alimente déjà les bibliographies de la cause végane, il serait dommage de l'y restreindre car il réussit avant tout à dépasser son intention pour convier l'enfant, avec une grande bienveillance, à une réflexion féconde sur son rapport au monde.