Maitre-des-brumes-Tomi-Ungerer.jpg Tomi Ungerer, Maître des brumes, L'Ecole des loisirs, 2013.

 

On ne laissera pas de s'étonner de l'indifférence dans laquelle baigne la littérature pour la jeunesse. Alors que la sphère médiatique a, ces derniers mois, largement relayé la moindre actualité sur Tomi Ungerer, le dernier album de Tomi Ungerer paraît aujourd'hui dans un quasi silence assourdissant.

Le livre a pourtant valeur d'événement. Parce que nous l'attendions depuis quatre ans. Surtout, parce qu'il est somptueux. Équilibre magistral entre peinture et dessin, cet album illustré offre d'inoubliables images-tableaux, aux teintes sourdes, nimbées du gris-bleu de la brume et de la mer qui ne font qu'un dans ce pays, l'Irlande, où Tomi Ungerer a trouvé refuge.

Le propos politique est toujours là, plus assuré, moins démonstratif et tient en une phrase "Le peu qu'ils avaient suffisait à leur bonheur". Et tout l'album donne corps à cette recherche de quiétude dans la simplicité. Images dépouillées aux compositions magistrales, dans lesquelles on cherchera en vain les détails proliférants (tout juste, au détour d'une page, l'oie ne peut-elle s'empêcher de pincer avec gourmandise la queue du cochon). Le texte, resserré, fait preuve d'une sagesse et d'une économie de moyens auxquelles la talentueuse Florence Seyvos rend hommage dans sa traduction parfaite. L'histoire elle-même prend le contre-pied du spectaculaire : des enfants, s'approchant d'un lieu dangereux, ne font qu'y vivre une aventure magique et en reviennent sans dommage aucun.

Graphiquement éblouissant, assuré et maîtrisé, le dernier album de Tomi Ungerer s'avère terriblement en phase avec son époque. Son message profond, constant avec le propos de l'artiste depuis ses premiers albums, est un hommage à l'enfance et à son courage devant l'obscurantisme. C'est surtout un appel à la confiance que l'on doit placer dans l'enfance, sans doute le plus essentiel et le plus urgent des appels.